MENU

LA TARTE AUX MYRTILLES Alexandre Astier
ARTHUR : Bon, allez beau-père, on se remet au boulot ?
LEODAGAN : Ouais, ça ne va pas se faire tout seul.
SELI : Aujourd’hui, y’a du dessert.
ARTHUR : Euh non, non, moi ça va merci.
SELI : Y’a des gens qui ont pris la peine de faire un dessert, la moindre des choses, c’est de rester pour le manger. Y’en a marre de se comporter comme des sagouins avec tout le monde, sous prétexte qu’on a des responsabilités.
ARTHUR : C’est proposé si gentiment…
La tarte est apportée par une servante.
ARTHUR : Qu’est-ce que c’est ce machin ?
SELI : C’est une tarte aux myrtilles. Pourquoi ? Elle ne revient pas ?
ARTHUR : Mais ça va ! Pourquoi vous m’agressez ?
SELI : Parce que vous regardez ça comme si c’était du purin !
ARTHUR : Mais qu’est-ce que ça peut vous foutre ! De toute façon, ce n’est pas vous qui l’avez faite, si ?
SELI : Ben si justement, c’est moi.
ARTHUR : Ah bon.
GUENIEVRE : Elle y a passé la matinée.
LEODAGAN : Vous faites des tartes vous maintenant ?
SELI : Ben alors pas permis ?
ARTHUR : La vache ! Ça vous rend pas aimable en tout cas, hein !
LEODAGAN : Il doit y’avoir 80 larbins au château et c’est vous qui vous tapez la tambouille ?
SELI : Ça me détend. Ouais ben qu’est-ce que vous attendez pour la couper ? Qu’il fasse nuit ? Vous ne dites rien.
LÉODAGAN, qui mastique laborieusement : Faudrait pouvoir, hein !
GUENIEVRE : Non, le fruit est bon, hein.
SELI : C’est pas la peine de faire des ronds de jambe, si c’est pas bon, vous n’avez qu’à le dire ! ».
ARTHUR : C’est pas bon.
SELI : Merci bien.
ARTHUR : Vous posez la question.
SELI : Eh ben je ne la pose pas à vous!
GUENIEVRE : La pâte est probablement un peu sèche, euh…
LEODAGAN : Probablement oui ! Ça doit jouer.
SELI : J’ai envie de faire des tartes voilà ! Vous n’allez pas m’obliger à me justifier !
LEODAGAN : Ben non, tant que vous nous obligez pas à les manger !
SELI : J’ai toujours rêvé de faire des tartes pour mes petits-enfants. Seulement, des petits-enfants, y’en a pas. Ils n’arrivent jamais. J’attends, j’attends. Rien !
ARTHUR : Si vous les accueillez avec ça, ils ne sont pas prêts d’arriver, hein !
GUENIEVRE : On aime toujours les tartes de sa mamie.
SELI : Exactement, c’est comme d’aller à la pêche avec son papy, c’est dans les gênes ça.
ARTHUR : Quoi ?!?
SELI : Mais oui mon petit père, faudra bien vous ’y coller à moins que vous préférez vous taper les tartes !
ARTHUR : C’est dingue cette histoire ! C’est pas parce que vous fais des tartes pour des petits-enfants qu’existent pas que je dois les emmener à la pêche, non ?
SELI : C’est pourtant avec ça qu’on leur fait des souvenirs aux petits. La pêche, les tartes, tout ça, c’est du patrimoine.
ARTHUR : C’est du patrimoine, ça ???
GUENIEVRE : Enfin bon, je ne sais pas si je leur laisserais manger ça à mes enfants, hein.
SELI : Ouais ben vous, occupez vous de les faire, ce sera déjà pas mal.
ARTHUR : Ah y’a pas à dire, dès que y’a du dessert, le repas est tout de suite plus chaleureux.
Arthur tape son part de tarte contre son verre.
LEODAGAN : Vous savez, c’est quand même pas grave de ne pas savoir faire des tartes, hein !
GUENIEVRE : Non, ne vous en faites pas.
SELI : Oh mais je m’en fais pas, je vais m’entraîner jusqu’à ce que ça marche.
ARTHUR : Vous voulez dire que vous allez en refaire ?
SELI : Tous les jours.
LEODAGAN : Tous les jours ???
SELI : Non, mais je vais varier les fruits, ne vous inquiétez pas.
ARTHUR : Et vous allez varier la pâte aussi ?
SELI : Non mais n’exagérez pas non plus, je ne vous demande quand même pas de manger des briques !
Arthur dubitatif
LEODAGAN : Sans vouloir la ramener, la seule différence concrète avec des briques, c’est que vous appelez ça des tartes.
GUENIEVRE : Si vous faisiez des confitures mère ? Les enfants, ils adorent ça !
ARTHUR : Ouais pis ils pourraient en manger tout de suite au moins, tandis que ça, avant un an, ils n’ont pas assez de chicots de toute façon !
LEODAGAN : Ah pis attention ! Faut pas s’amuser à attaquer ça avec des dents de lait, hein !
Léodagan et Arthur commencent à se lever.
SELI : Attendez, au cas où vous ayez un creux dans l’après-midi !
LEODAGAN : Oui ou une fissure à colmater dans un muret.
ARTHUR : Ouais bon ça va, on plaisante !
LEODAGAN : On plaisante, on plaisante…