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QUI TUER? Raymond Devos
Un jour, en pleine nuit... mon médecin me téléphone: " Je ne vous réveille pas? " Comme je dormais, je lui dis: " Non. "
Il me dit: - Je viens de recevoir du laboratoire le résultat de nos deux analyses. J'ai une bonne nouvelle à vous annoncer. En ce qui me concerne, tout est normal. Par contre, pour vous... c'est alarmant. Je lui dis: - Quoi ?... Qu'est ce que j'ai? Il me dit: - Vous avez un chromosome en plus... Je lui dis: - C'est à dire? Il me dit: - Que vous avez une case en moins ! Je lui dis:
- Ce qui signifie? Il me dit : - Que vous êtes un tueur-né ! Vous avez le virus du tueur... Je lui dis: - ...Le virus du tueur? Il me dit: - Je vous rassure tout de suite. Ce n'est pas dangereux pour vous, mais pour ceux qui vous entourent... ils doivent se sentir visés. Je lui dis: - Pourtant, je n'ai jamais tué personne ! Il me dit: - Ne vous inquiétez pas... cela va venir ! Vous avez une arme? Je lui dis: - Oui ! Un fusil à air comprimé. Il me dit: - Alors pas plus de deux airs comprimés par jour ! Et il raccroche ! !!! Toute la nuit... j'ai cru entendre le chromosome en plus qui tournait en rond dans ma case en moins. Le lendemain, je me réveille avec une envie de tuer... Irrésistible ! Il fallait que je tue quelqu'un. Tout de suite ! Mais qui? Qui tuer?... Qui tuer? Attention ! Je ne me posais pas la question : "Qui tu es?" dans le sens : "Qui es-tu, toi qui cherches qui tuer? " ou : "Dis-moi qui tu es et je te dirais qui tuer." Non !... Qui j'étais, je le savais ! J'étais un tueur sans cible ! (Enfin... sans cible, pas dans le sens du mot sensible !) Je n'avais personne à ma portée. Ma femme était sortie ... Je dis : "Tant pis, je vais tuer le premier venu !" Je prends mon fusil sur l'épaule... et je sors. Et sur qui je tombe? Le hasard, tout de même ! Sur... le premier venu ! Il avait aussi un fusil sur l'épaule... (Il avait un chromosome en plus, comme moi !) Il me dit: - Salut, toi, le premier venu !... Je lui dis: - Ah non ! Le premier venu, pour moi, c'est vous ! Il me dit: - Non ! Je t'ai vu venir avant toi et de plus loin que toi ! Il me dit: - Tu permets que je te tutoie? Je te tutoie et toi, tu me dis tu ! Je me dis: - Si je dis tu à ce tueur, il va me tuer ! Je lui dis: - Si on s'épaulait mutuellement ? D'autant que nous sommes tous les deux en état de légitime défense ! Il me dit: - D'accord ! On se met en joue... Il me crie: - Stop !... Nous allions commettre tous deux une regrettable bavure... On ne peut considérer deux hommes qui ont le courage de s'entre-tuer comme des premiers venus ! Il faut en chercher un autre ! J'en suis tombé d'accord ! Là-dessus, j'entends claquer deux coups de feu et je vois courir un type avec un fusil sur l'épaule... Je lui crie: - Alors, vous aussi, vous cherchez à tuer le premier venu? Il me dit: - Non, le troisième ! J'en ai déjà raté deux ! Et tout à coup, je sens le canon d'une arme s'enfoncer dans mon dos. Je me retourne. C'était mon médecin... Qui me dit: - Je viens vous empêcher de commettre un meurtre à ma place... Je lui dis: - Comment, à votre place? " Il me dit: - Oui ! Le laboratoire a fait une erreur. Il a interverti nos deux analyses. Le chromosome en plus, le virus du tueur, c'est moi qui l'ai ! Je lui dis: - Docteur, vous n'allez pas supprimer froidement un de vos patients? Il me dit: - Si ! La patience a des limites. J'en ai assez de vous dire : Ne vous laissez pas abattre ! Je lui dis: - Vous avez déjà tué quelqu'un, vous? Il me dit: - Sans ordonnance... jamais ! Mais je vais vous en faire une !
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