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LE DINER DE CONS Francis Weber
FRANCOIS : Et pourquoi vous ne lui téléphonez pas?
PIERRE
: A qui ?
FRANCOIS
: Ben à lui, pour savoir si elle est retournée chez lui.
PIERRE
: C'est ça. Je lui ai pas parlé depuis deux ans et je lui dis : est-ce que la femme que je t'ai piqué n'est pas revenue chez toi?
FRANCOIS
: Au moins vous seriez fixé. Moi j'ai appelé Jean-Patrice Benjamin. Je lui ai dit est-ce que tu es partie avec Florence ? Il a dit oui et il a raccroché. J'étais fixé. Vous voulez que je l'appelle ?
PIERRE
 : Vous?
FRANCOIS
: Oui j'appelle, je lui dis je suis un vieil ami de Madame Brochant, est-ce que vous savez où je peux la joindre?
PIERRE
: Et il ne va pas se méfier du tout
FRANCOIS
: J'essaie seulement de vous aider.
PIERRE
 : Vous êtes gentil, mais elle n'est sûrement pas retournée chez lui
FRANCOIS
 : Je n insiste pas. Bonne nuit Monsieur Brochant.
PIERRE
: Monsieur Pignon?
FRANCOIS
 : Oui ?
PIERRE
: Si je vous dis précisément ce qu'il faut lui dire, vous pensez que vous pouvez le faire?
FRANCOIS
: Y'a des moments, j ‘ai vraiment l'impression que vous me prenez pour un imbécile, hein !? (Regard noir de Brochant) Mais bien sûr que je peux le faire ! Qu'est-ce que je dois dire ?
PIERRE
: On pourrait se servir du bouquin qu'ils ont écrit ensemble.
FRANCOIS
: Oui
PIERRE
 : Vous appelez Leblanc et vous lui dîtes que vous êtes producteur de film
FRANCOIS
: Oui
PIERRE
 : Vous avez lu le roman et vous voulez acheter les droits pour le cinéma.
FRANCOIS
 : (Jubilant) Oui, c'est bien ça !
PIERRE
 : Et en fin de conversation, vous lui demandez où vous pouvez joindre sa collaboratrice.
FRANCOIS
: Quelle collaboratrice ?
PIERRE
 : Ma femme ! Je vous ai dit qu'il avait écrit un bouquin avec elle
FRANCOIS
 : Mais oui exact d'accord, excusez-moi.
PIERRE
 : Ça ne marchera jamais !
FRANCOIS
: Mais si, j'ai compris. Ce n'est pas simple mais j'ai compris.
PIERRE
: Vous êtes producteur, 0k?
FRANCOIS
: 0k, ok.
PIERRE
: Vous avez une maison de production à Paris... non pas à Paris, il connaît tout le monde. Vous êtes un producteur étranger.
FRANCOIS
: 0k, Américain ? Allemand?
PIERRE
: Belge! Voilà c'est parfait ça, belge.
FRANCOIS
: Pourquoi belge?
PIERRE
 : Parce que c'est très bien belge! Vous êtes un gros producteur belge, vous avez lu le Petit Cheval de Manège, c'est le titre du roman, et vous voulez lui acheter les droits pour le cinéma. 0k?
FRANCOIS
: C'est un bon livre?
PIERRE
 : Très mauvais, quelle importance?
FRANCOIS
 : (Triomphant) Si le bouquin est mauvais pourquoi j'irai acheter les droits ? Hein? Hein ?
PIERRE
 : (exaspéré) Monsieur Pignon?
FRANCOIS
: Oui?
PIERRE
: Vous n'êtes pas producteur?
FRANCOIS
: Non
PIERRE
: Vous n'êtes pas belge non plus?
FRANCOIS
: Non
PIERRE
: Ce n'est donc pas pour acheter les droits du livre que vous téléphonez mais pour essayer de savoir où est ma femme!
FRANCOIS
 : (admiratif) Ouh alors ça c'est très tordu mais bougrement intelligent. C'est quoi son numéro ?
PIERRE
 : (Se saisissant du téléphone) Je vais le faire moi-même. Il s'appelle Juste Leblanc
FRANCOIS
: Ah bon ? Il n'a pas de prénom?
PIERRE
 : Je viens de vous le dire : Juste Leblanc….Leblanc c'est son nom et c'est Juste Son prénom
FRANCOIS
 : (ahuri) Hein?
PIERRE
 : Monsieur Pignon, votre prénom à vous, c'est François, c'est juste.
FRANCOIS
 : Oui
PIERRE
: Et bien lui, c'est pareil, c'est Juste. (L ‘expression d'une hébétude insondable sur le visage de Pignon désespère Brochant, qui reprend) : Bon on a assez perdu de temps comme ça. Ma femme a signé Son roman de son nom de jeune fille: Christine Leguirrec
FRANCOIS
 : Ah bon ? Elle est bretonne?
PIERRE
 : Je vous en prie, restez concentré!
FRANCOIS
 : (Attrapant le téléphone) Excusez-moi
PIERRE
 : Et vous n'oubliez pas, en fin de conversation, vous lui demandez où vous pouvez joindre Christine Leguirrec. Ça sonne je vous mets sur haut-parleur, c'est à vous.
FRANCOIS
: Je prends l'accent belge?
PIERRE
 : Non!
Juste Leblanc
: Allô?
FRANCOIS
 : (Prenant un accent à Couper au couteau au grand désespoir de Brochant) Allô ? Pourrais-je parler à Monsieur Leblanc, Juste, Une fois?
Juste
: C'est moi
FRANCOIS
: Bonsoir Monsieur Leblanc Georges Vanbrùggel à l'appareil. Pardon de vous déranger à une heure si tardive. Je suis producteur belge n'est-ce pas, j'arrive de Belgique une fois, et je suis très intéressé par votre roman... le roman?
PIERRE
 : (Soufflant) Le Petit cheval de manège
FRANCOIS
 : (Soufflant lui aussi) Le petit cheval de manège… (Se reprenant) et j'aimerai discuter de l'achat des droits pour le cinéma.
Juste 
: C est une blague ou quoi?
FRANCOIS
: Pas du tout, pourquoi une blague?
Juste
: Étienne ? Arrête tes conneries Etienne, je t'ai reconnu.
FRANCOIS
: Vous faîtes erreur, Monsieur Leblanc, je ne suis pas Etienne du tout, je suis producteur et j ‘arrive de Bruxelles.
JUSTE
: Quelle production?
FRANCOIS
 : (Paniquant) Pardon ?
JUSTE
: Votre maison de production, c'est quoi ?
FRANCOIS
 : (Inspiré…toujours au grand désespoir de Brochant) Les Films du Plat Pays!
JUSTE
: Les Films du Plat Pays?!
FRANCOIS
: Ce sera une production jeune et dynamique Monsieur Leblanc.
JUSTE
: Et vous êtes intéressés par mon roman?
FRANCOIS
: Absolument, oui, très intéressé.
JUSTE
: C'est pour le cinéma ou la télé?
PIERRE
 : (Soufflant)  cinéma...
FRANCOIS
 : (Content de sa trouvaille à venir) Pour le cinéma, Monsieur Leblanc, pour le grand écran, pas pour la petite lucarne
JUSTE :
Je dois vous prévenir que j'aimerai faire l'adaptation moi-même.
FRANCOIS
 : Ça ne devrait pas poser de problème, Monsieur Leblanc mais vous devez d'abord savoir que nous ne sommes pas une grosse production et que nous n'avons pas d'énormes moyens mais si vous n'êtes pas trop gourmand...
PIERRE
 : (Lui rappelant) Ma femme...
JUSTE :
Nous réglerons les questions d'argent plus tard..
PIERRE
 : (Insistant) Ma femme…
JUSTE
: Quand puis-je vous rencontrer Monsieur... Monsieur?
FRANCOIS
 : Vanbrûggel, alors écoutez...
PIERRE
: Ma femme!
FRANCOIS
 : Je vous appelle demain chez vous et on prend rendez-vous, une fois !
JUSTE
: Entendu, à demain.
FRANCOIS
 : (Triomphant) À demain Monsieur Leblanc ! (Il raccroche) et voilà on a les droits ! Ouh! Oh la la la la la Et pour pas cher à mon avis ! Il a marché. Il a marché à fond le gars !
PIERRE
 : (N ‘en revenant pas) Et ma femme?
FRANCOIS
 : (Avant de comprendre) Quoi?
PIERRE
: Il a oublié ma femme ! Il fait le clown pendant cinq minutes et il oublie ma femme!
FRANCOIS
: Ah ! La boulette !
PIERRE
 : Ça dépasse tout ce que j'ai pu imaginer.
FRANCOIS
 : Ah oui ! J'ai fait la boulette !
PIERRE
: On a repoussé les limites, là.
FRANCOIS
 : (Reprenant le téléphone) Je le rappelle.
PIERRE
 : (voulant l‘empêcher) Donnez moi ce téléphone!
FRANCOIS
: Je le rappelle. Je lui dis: à propos Monsieur Leblanc, j'ai oublié de vous demander où je peux joindre votre collaboratrice Christine Leguirrec. C'est tout simple
PIERRE
: Rendez-moi ce téléphone!
FRANCOIS
 : C'est dommage, on allait être fixé
PIERRE
 : (Hésitant et méfiant) Vous ne lui direz rien de plus que: à propos, j'ai oublié de vous demander où je peux joindre votre collaboratrice Christine Leguirrec ?!
FRANCOIS
: Pas un mot de plus (il recompose le numéro) Allô Monsieur Leblanc !? Pardon de Vous déranger, c'est encore Monsieur Vanbrùggel à l'appareil.
JUSTE
: Excusez-moi, je suis sur l'autre ligne avec mon agent, je vous appelle dans une minute, quel est votre numéro?
FRANCOIS
 : (Lisant le numéro marqué sur le téléphone devant ses yeux) 01 45 nonante 56 03
PIERRE
 : (Réalisant l'énormité débranche l‘appareil) Oh non!
FRANCOIS
: Allô ? Allô ? Il a coupé
PIERRE
: Mais non, c'est moi abruti!
FRANCOIS
 : Comment ça abruti ?
PIERRE
 : Vous lui avez donné mon numéro de téléphone?
FRANCOIS
 : (Se voulant pédagogue) Et ben oui ! Il me demande où il peut me rappeler...
PIERRE
 : (Désespéré) Vous ne vous reposez jamais, vous, hein?
FRANCOIS
 : (Ne voyant pas ce qu ‘il a fait de mal) Excusez-moi, j ‘avoue que je suis un peu perdu, j ‘aimerai comprendre…
PIERRE
: La classe mondial ! Peut-être même le champion du monde !
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