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LA CAGE AUX FOLLES Jean Poiret

GEORGES : Bonjour
ALBIN : Bonjour Trotty
GEORGES : Ah non je t'en prie ! Cesse de m'appeler Trotty ! A quoi ça ressemble Trotty ?
ALBIN : Je t'ai toujours appelé Trotty.
GEORGES : Ben oui, mais y'a un age plafond pour appeler les gens Trotty
ALBIN : Je t'appellerai pépé maintenant
GEORGES : Entre pépé et Trotty, on doit pouvoir trouver un moyen terme…
ALBIN : Tu n'étais pas bien cette nuit ? Tu as fait chambre à part !
GEORGES : Je me sentais agité. J'ai préféré coucher dans le bureau pour ne pas te gêner
ALBIN : Au fait tu ne m'avais pas dit que Laurent rentrait !
GEORGES : Je te l'ai dit
ALBIN : Menteur !
GEORGES : Je te l'ai dit la semaine dernière. Mais tu ne m'écoutes jamais quand je parle. Tu lis le journal à table. Tu lis modes et travaux en permanence…
ALBIN : La vérité, c'est que tu ne supportes pas de partager ton fils. Mais de là à me gommer parce que Laurent arrive …
GEORGES : Oh ! Je ne te gomme pas ! Il faudrait une grosse gomme à encre !
ALBIN : Tu as vraiment les nerfs à fleur de peau, mon pauvre chéri !
GEORGES : ( Changeant de ton pour l'amadouer ) : Oui, parce je suis fatigué. Et je ne suis pas le seul ! Si, si. Depuis quelques jours je remarque des anomalies dans ton comportement. Je ne t'en parle pas parce que j'ai soin de ton confort moral… Mais tu ne vas pas bien Albin. Tu files un mauvais coton en ce moment. Je me demande si tu ne me fais pas un peu d'anémie. Tu me ferais bien une petite pointe d'anémie…
ALBIN : Pourtant je me sens bien….
GEORGES : Tu te sens bien ! Mais regarde ta mine ! Moi, je tire la sonnette d'alarme. Tu t'es vu, ce matin ? Tu es vert !
ALBIN : Oh ! Je suis tout bronzé !
GEORGES: Tu es vert bronze! C'est ça le drame ! Mais c'est normal, Albin, nous sommes en fin de saison, tu n'as pas pris de vacances, c'est de la folie !
ALBIN : Je ne prends jamais de vacances l'été !
GEORGES : Tu ne prenais pas de vacances d'été jusqu'alors. Mais tu n'as plus vingt ans. Seulement, ça, tu ne l'admets pas. Alors on va ; On va jusqu'à la limite de ses forces, et puis un beau jour on s'écroule !
ALBIN : Je t'assure que je me sens très en forme
GEORGES : C'est curieux cet entêtement des gens à ne pas se rendre à l'évidence ! Ménage-toi Albin !
ALBIN : Dis donc, il y a longtemps que tu ne t'es pas occupé de moi avec autant de sollicitude !
GEORGES : Je veille sur toi en permanence, tu le sais très bien. Seulement je le fais avec infiniment de discrétion
ALBIN : Ca, c'est vrai. On ne s'en aperçoit pas !
GEORGES : C'est ça la grandeur d'âme
ALBIN : Qu'est ce que tu as ma Toutoune ?
GEORGES : ( s'oublie un instant, puis reprend vite son travail en douceur ) : Ah zut ! Quand ce n'est pas Trotty, c'est ma Toutoune! Je n'ai rien. J'ai simplement que je ne tiens pas à te voir finir dans une maison de santé, parce que, tu sais, mon petit Albin, je te mets en garde : tu vas craquer ! Tu es déjà plein de fissures, mais tu vas craquer !
ALBIN : Pourquoi me dis tu ça ? Tu me fais peur ! On t'a fait des réflexions ?
GEORGES : ( qui intensifie son travail au corps ) : Justement ! Et c'est pour ça que je te pose la question. On dirait que tu crains de me parle. Qu'est ce qu'il y a ? Tu te sens fatigu駠? Tu vois, je te tends la perche, je ne peux pas faire mieux. Tu veux te reposer ? Tu veux arrêter le spectacle pour te reposer, ne serais ce que… trois jours ?
ALBIN : En septembre nous verrons
GEORGES : Pourquoi attendre septembre ? Pourquoi accumuler de la fatigue supplémentaire ? Si tu dois te reposer, fais le, mais fais le tout de suite. ( Décidé ) Allez ! Moi, je prends le taureau par les cornes ! Tu sais ce que tu vas faire ? Tu vas prendre ton petit baluchon et tu vas partir trois jours, pour le week-end.
ALBIN : La vedette du spectacle ne va pas s'absenter pour le week-end
GEORGES : La santé avant tout !
ALBIN : ( subitement affolé ) : Georges tu as appris quelque chose. Le docteur Deslandes t'as dit quelque chose que tu me caches…
GEORGES : Oh ! Ne vas pas te mettre martel en tête ! Ca n'est pas la dame aux camélias non plus, il ne faut pas exagérer ! Mais il me semble que trois jours de repos en fin de saison te redonneraient une bouffée d'oxygène.
ALBIN : Alors partons ensemble pour Dieppe !
GEORGES : Pour Dieppe ?
ALBIN : Trois jours à Dieppe.
GEORGES : Ah ! Non ! Moi, je ne pars pas pour Dieppe. Le voyage me fatigue maintenant. Avec le décalage des fuseaux horaires. Et puis on ne va pas lâcher la boite tous les deux en même temps.
ALBIN : Tu vas rester seul ?
GEORGES : Trois jours, je n'en mourrai pas. Je me ferai des pâtes, j'ouvrirai des boites. Et puis tu rentreras, tu seras bien reposé : ce sera mieux pour tout le monde.
ALBIN : ( s'emportant ) :j'ai dit non ! Je tiendrai le coup jusqu'en janvier, nous n'aurons qu'à rester un peu plus longtemps à la Bourboule.
GEORGES : ( adoptant le même ton ) : Je ne sais même pas pourquoi je discute. Il faut toujours que tu aies le dernier mot. Tu avoueras que tu as vraiment un caractère de cochon !
ALBIN : Oh !
GEORGES : Y'a trop longtemps que je me contiens ! C'est lâché ! Il fallait que ça sorte, sans ça j'aurais eu une éruption de boutons sur tout le corps.
ALBIN : Dis donc mon petit Georges, je ne suis peut-être pas très fin, mais quand on me mets les points sur les « i », je finis par avoir des lueurs
GEORGES : Qu'est ce qui te prend ?
ALBIN : Tu cherches à m'évincer !
GEORGES : Oh ! Pourquoi dis tu ça ?
ALBIN : Tu cherches à m'évincer pour le week-end
GEORGES : (le regard fuyant) : pas du tout
ALBIN : Il y a un homme dans ta vie !
GEORGES : Ah ! Voilà !
ALBIN : Tu en es fou et tu pars avec lui pour le week-end
GEORGES : Oh !
ALBIN : ( dramatique) Tu veux m'éloigner avec Jacob hein ? Pas de témoin ! Eh bien non, je ne jouerai pas pour le week-end, mais tu ne pourras pas faire un pas, je ne te laisserai pas !
(Albin s'effondre en larmes)
GEORGES : Les écluses sont ouvertes !
ALBIN : Quinze ans ! Quinze ans de vie commune pour en arriver là ! (Il se jette sur le canapé)
GEORGES : Ne te répands pas sur le canapé ; tu vas me mettre du rimmel partout.
ALBIN : Tout ça parce que j'ai un peu épaissi…
GEORGES : Mais ça n'a rien à voir !
ALBIN : Parce que j'ai perdu mon galbe…
GEORGES : Ce n'est pas parce que tu as pris dix huit kilos en six semaines que tu as perdu ton galbe ! (Albin prend un coussin et en menace Georges ) Oh ! Albin !… C'est la première fois que tu oses lever le coussin sur moi. ( Georges prend sur la coiffeuse une houppette ) ne recommence pas ou je t'envoie la houppette ! Tu ne me connais pas quand je suis en fureur ! Je t'envoie la houppette à toute volée et je te brise un genou ! Tu n'as pas honte ? C'est monstrueux ce que tu fais là !
ALBIN : Quel age a-t-il ce bonhomme ? Tout jeune? Mineur ?
GEORGES : Zut !
ALBIN : Tu as trop de tentations sur la cote, je ne veux plus rester ici. Je veux que nous vendions et que nous allions nous installer en Corrèze ou dans un bassin minier…
GEORGES : Tu veux t'installer dans un bassin minier, et tu ne veux pas que je fréquente de mineurs ! Faut être logique !
ALBIN : De toute façon, je saurai qui c'est, parce que à partir de cet instant, je ne te lâche plus ! Tu sors, je sors. Tu téléphones, je prends l'écouteur. Tu ne pourras même pas le prévenir, tu ne pourras même pas lui donner un autre rendez vous. Je ne me laisserai pas déposséder. (Il s'écroule à nouveau)
GEORGES : C'est Sarah Bernhardt enfant ! La crise est passée ? On peut vous adresser la parole, madame Bovary ? Bon, alors écoute moi une seconde avec sérénité, si ça t'es possible. Tu aimes Laurent ? Tu as de l'affection pour lui ?
ALBIN : Qu'est ce que ça a à voir avec Laurent ? Ne noie pas le poisson !
GEORGES : Ecoute moi. Pour le bonheur de Laurent, pour le bonheur de l'enfant, pour le bonheur du tout petit, il est absolument indispensable que tu t'absentes trois jours
ALBIN : Expliques toi !
GEORGES : Parce que… Laurent va se marier
ALBIN : Pauvre petit bonhomme ! Et tu m'annonces ça comme ça !
GEORGES : Je ne vais pas t'envoyer un faire part ?
ALBIN : Mais c'est de la folie ! Il est beaucoup trop jeune ; il va gâcher sa vie !
GEORGES : J'ai dit, j'ai dit tout ça. Tout ce qu'un père peut dire, je l'ai dit. Toujours est-il qu'il a l'intention de se marier, avec une fille…
ALBIN : Quelle horreur !
GEORGES : …une fille que j'ai aperçue au début de la saison
ALBIN : Pourquoi ne m'en as tu pas parlé ?
GEORGES : Parce que Laurent sort avec des filles depuis qu'il a quinze ans et que je ne t'en parle pas à chaque fois
ALBIN : Tu le laisses trop libre
GEORGES : En tout cas, un fait est certain : c'est que les éventuels beaux-parents débarquent ici à la fin de la semaine…
ALBIN : C'est pas vrai
GEORGES : Si ! Que le père se présente aux élections contre Barnier, et que son intention est de fermer les boites de bonshommes
ALBIN : Elle est folle celle-là !
GEORGES : C'est te dire que ces gens ne me semblent pas doués d'une largeur de vue panoramique, et qu'en conséquence, il importe qu'ils aient de cette maison une impression irréprochable
ALBIN : Mais Georges, nous ferons tout pour
GEORGES : C'est vraiment le béret basque à la narine. Si nous devons faire tout pour, comme tu le dis très justement, il serait peut être souhaitable que tu ne sois pas là lorsqu'ils viendront. Nous aurions peut être plus de chances, toi absent ! Je ne sais pas si je me fais bien comprendre ?
ALBIN : Georges tu réalises ce que tu me demandes ?
GEORGES : Tout à fait !
ALBIN : Tu me rejettes ! Tu m'exiles comme un lépreux, quand notre fils se marie !
GEORGES : Oh ! Notre fils ! Puis quoi encore ? Tu ne veux pas une prime d'allaitement pendant que tu y es ?
ALBIN : Tu me répudies, moi qui ai passé des nuits entières à veiller sur sa variole…
GEORGES : C'était une varicelle !
ALBIN : Et alors ? C'est aussi contagieux ! (Albin éclate en sanglots)
GEORGES : C'est reparti !
ALBIN : Je suis donc un monstre, qu'on ne veuille pas me montrer ?
GEORGES : Tu n'es pas un monstre, Albin, mais enfin….
ALBIN : Quoi ?
GEORGES : Tu as des manières….
ALBIN : Quelles manières ?
GEORGES : Regarde-toi dans une glace de temps à autre. Tu as des manières ! Des manières charmantes, mais qui peuvent surprendre des gens non avertis ! ( Il a ponctué sa période d'un geste particulièrement gracieux)
ALBIN : (pouffant) : Tu peux parler !
GEORGES : Quoi ?
ALBIN : Tu t'es vu toi ? ( Albin l'imite) « Qui peuvent surprendre des gens non avertis »…
GEORGES : Oui mais, la grande différence, c'est que chez moi, ça peut passer pour de la distinction. 9a fait britannique. Chez toi, ça fait louche.
ALBIN : Je te parie que je donne beaucoup mieux le change que toi !
GEORGES : Le change ? Il y a eu une dévaluation alors… !
ALBIN : Parce que, moi, j'ai de la carrure
GEORGES : On peut appeler ça comme ça
ALBIN : Alors que toi malheureusement tu fais sylphide
GEORGES : Je fais sylphide ?
ALBIN : Moi, j'ai du poids quand je marche
GEORGES : Même quand tu ne marches pas
ALBIN : Toi c'est « mon truc en plumes »
GEORGES : Mon quoi ?
ALBIN : « Mon truc en plumes ». Toi, c'est zizi, c'est tout zizi !
GEORGES : En tout cas, zizi ou pas zizi, moi je suis le père. Alors, un, ça peut aller, le doute peut flotter. Deux, ce n'est pas possible. Chlac ! Voilà ce qu'elle vous envoie la sylphide !
ALBIN : Ecoute-moi bien, Georges, si dans une circonstance comme celle-ci, je dois quitter cette maison, je n'y remettrai plus les pieds
GEORGES : Ah bon ! Le chantage !
ALBIN : C'est un affront que je ne supporterai pas
GEORGES : Oh ! La marquise est coincée !
ALBIN : Je te le dis calmement, mais avec une résolution inébranlable
(Ils se regardent en silence. Georges sent bien qu'Albin ne bluffe pas)
GEORGES : Merci ! On ne peut pas dire que tu me facilites la tache ! Ah ! J'en ai marre de cette tôle ! Un jour qu'il pleuvra, je me foutrai dans une flaque et vous ne me retrouverez pas. Mais qu'est ce que tu veux que je fasse de toi ?
ALBIN : Comment ça ?
GEORGES : À ces gens qui vont venir, en tant que quoi veux-tu que je te présente ?
ALBIN : Je pourrais très bien être son oncle !
GEORGES : Tu n'as pas une tête d'oncle ! Si tu veux t'incruster, je te verrais mieux en précepteur
ALBIN : Laurent est gentil mais il n'a pas l'air d'avoir été élevé par un précepteur
GEORGES : Je dis un précepteur, ou un majordome ! Un vieux majordome, presque de la famille ; un vieux valet d'écurie…
ALBIN : Tu veux vraiment me reléguer à l'office. Si tu avais épousé une femme qui boit, tu ne la ferais pas passer pour ta bonne
GEORGES : Oui, mais, ce serait une femme ! Et dans un foyer, vis-à-vis des gens, une ivrognesse est plus présentable qu'un pédéraste !
ALBIN : Eh bien mon cher ami, il fallait vous apercevoir de cela avant !
(Georges regarde Albin beurrer ses toasts comme une vielle habituée des salons de thé)
GEORGES : Regardez le ! Il est là, comme un gros matou, installé dans ses confitures et dans son beurre ; il en bave ! On mettrait des pommes de terre en dessous, tu ferais des frites ! Ah ! Tes enfants ne te posent pas de problèmes à toi !
ALBIN : Oh ! Drame du père ! Saynète humoristique ! Tout ça parce que tu as eu un bébé par hasard, un soir de beuverie
GEORGES : Je t'interdis de dire ça
ALBIN : Quoi ! Tu n'étais pas saoul quand tu t'es envoyé ta fameuse Simone, ce boudin ?
GEORGES : (Piqué) ce n'était pas un boudin. C'était le plus beau mannequin des Folies Bergère
ALBIN : Toi quand tu as bu, tu te jetterais sur n'importe qui. C'est la bête
GEORGES : Pas du tout ! Une occasion se présentait : je me suis dit « Allons-y ! Il faut tout connaître ! On en parle tellement, faut voir ce que c'est ». Et ça a été une très belle aventure.
ALBIN : Laisse moi rire
GEORGES : Ça a quand même duré de minuit à trois heure moins le quart. Et ça a suffi. La preuve : Laurent
ALBIN : Parlons en ! Elle n'en voulait pas de ce gosse. C'est toi qui me l'as dit
GEORGES : Ben évidemment ! Elle était avec l'ambassadeur de Bolivie à l'époque ; c'était délicat…Mais ça a été, malgré tout, une très bonne mère
ALBIN : Une bonne mère ? Elle a du le voir quatre fois depuis sa naissance. Si je n'avais pas été là pour l'élever !
GEORGES : Oh ! Je t'en prie ! Elle l'a quand même porté un certain nombre de mois. Il y a un nombre légal… je ne sais plus treize, quatorze. Ce n'est pas toi qui en aurais fait autant.
ALBIN : Oh ! Il me semble que j'aurai attendu moins longtemps. En tout cas, dès sa naissance, la mère admirable, elle te l'a refilé, le bébé
GEORGES : Je ne pouvais pas abuser de son temps indéfiniment. Puis vis-à-vis de l'ambassadeur, ce n'était pas envisageable
ALBIN : Parce qu'il était encore avec elle ?
GEORGES : Non, mais il était avec moi depuis trois mois et demi
ALBIN : Ta vie est vraiment un égout, mon pauvre Georges
GEORGES : (dont la colère monte) ma vie est peut être un égout, mais maintenant, espèce de vielle chamelle !
ALBIN : Oh !
GEORGES : Il va falloir t'y mettre !
ALBIN : A quoi seigneur ?
GEORGES : Parce que je te préviens, si Laurent rate son mariage par ta faute – tu les vois mes petits poings ? Ils sont prêts à partir–, je ne te le pardonnerai pas.
ALBIN : Comme tu me regardes ! Tu me fais peur !
GEORGES : Ah ! Tu ne veux pas céder la place ! Ah ! Tu veux jouer les oncles gâteaux ! Eh bien, il va falloir qu'ils se virilisent, les oncles ! Il va falloir qu'ils apprennent à tenir leur biscotte comme des males, à beurrer leur tartine comme des débardeurs et à boire leur thé comme des forts des halles, les oncles ! Allez on se tient droit, pour commencer, pas comme une chochotte  !(Il fait voler les coussins sur lesquels Albin est avachi)
ALBIN : (pleurniche) Mais qu'est ce qui te prend ?
GEORGES : je vais t'apprendre, moi, à vivre les fesses sur le velours et sur le satin, comme une poule de luxe ! A la dure maintenant : les fesses sur le coton. On va te la faire ton éducation de bonhomme ! Prends ta biscotte (Albin veut prendre la biscotte, de façon un peu virile et la casse. Georges en reçoit les éclats) n'essaie pas de me blesser avec une biscotte ! Pour toucher l'assurance vie ! Tu crois que je ne le vois pas ton manège ? Le crime parfait, une biscotte en pleine tête, on n'en parle plus. Assassine ! Reprends en une et tiens la bien cette fois ci
ALBIN : Oui !
GEORGES : Ferme mais pas brutal ! La biscotte de l'homme ! Tartine la confiture, maintenant, avec la cuillère. Je vais te la donner, ta leçon, moi ! Pas comme ça, la cuillère, pas à deux doigts ! Ce n'est pas une clochette, la cuillère ! Tenue solidement ! (Albin empoigne la cuillère) Ce n'est pas une cuillère à pot non plus !
(Albin essaie d'étendre la confiture comme Georges le lui indique : Il tremble, s'énerve et à nouveau casse sa biscotte)
ALBIN : (voyant Georges courbé sous la douleur)  : Qu'est ce qu'il y a ?
GEORGES : J'ai reçu la biscotte en pleine poitrine ! Tu n'es qu'une truie !
ALBIN : (en larmes ) Je n'y arriverai jamais !
GEORGES : (exaspéré) Ne pleurniche pas. Cesse de pleurnicher !
ALBIN : j'ai cassé ma biscotte !
GEORGES : bien oui tu as cassé ta biscotte ! C'est malheureux, d'accord, mais dans une circonstance comme celle là, tu dois réagir en homme !
ALBIN : Je le sais bien !
GEORGES : Tu dois faire face à l'évènement. Te dire « Il vient de m'arriver un coup dur, je viens de casser ma biscotte, mais je suis encore jeune, je vais remonter la pente ». Ton thé maintenant. Montre moi comment tu bois. Ca marque un homme, la façon dont-il boit ! (Albin prend sa tasse) Allez ! Avale moi ça ! Bien viril ! (Albin boit avec infiniment de grâce) ça comme virilité, c'est Catherine Deneuve ! Fais moi John Wayne ! Imite John Wayne, descendant de son cheval à Rio bravo, entrant au saloon et prenant le thé pour son quatre heures.
ALBIN : Oh non !
GEORGES : Essaie de me faire John Wayne !
ALBIN : Non !
GEORGES : (menaçant)  : fais-moi John Wayne
ALBIN : (affolé) Oui, je vais le faire, John Wayne…. Tu crois que c'est une tenue pour monter à cheval ?
GEORGES : (toujours menaçant)  : ça va mal se terminer nous deux
(Albin fait semblent de tirer au pistolet, très dame)
ALBIN : Bang !!! Bang !!!
GEORGES : (lève sur lui une serviette vengeresse)  : Albin ! (Albin essayant d'alourdir sa démarche, se dirige vers la tasse de thé) . C'est mieux ! Tu vois, quand tu veux te donner la peine !
ALBIN : (s'efforçant d'imiter John Wayne) : dis donc, mon gars, est ce que je pourrais avoir un petit coup de thé ?
(Albin prend la tasse)
GEORGES : Avale moi ça comme un grand ! Bien viril  ! (Albin s'exécute, mais les gestes restent très féminins) . Je vais te dire une chose que je n'ai jamais dite à personne : tu es désespérant !
ALBIN : Alors fait moi John Wayne, toi, si tu es malin !
GEORGES : Et alors ! C'est sorcier d'avoir l'air d'un bonhomme de temps à autre ? C'est difficile de marcher comme un vrai male  ? (Georges se déplace d'une manière guère plus virile qu'Albin). C'est difficile de prendre son thé et de boire comme un homme ?
(Georges prend sa tasse et, d'un petit doigt détaché, la boit)
ALBIN : (pouffant)  : c'est John Wayne jeune fille !.....
GEORGES : Tu m'agaces. Va t'habiller. On en reparlera

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