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LES ANIMAUX Muriel Robin
La semaine dernière, il m'en est arrivé une… Ah non, mais j'vous jure mais la Françoise , elle m'inquiète, hein! J'vous dis ça parce que j'l'ai vue la semaine dernière, la Françoise en question, bizarre, bizarre, moi, c'que j'ai ressenti… bizarre! Je vous la situe en deux mots pour qu'vous suiviez bien l'histoire. Alors, il y a dix ans, elle a quitté Paris, elle a craqué! Enfin, elle a craqué, elle a craqué…: ‘Besoin de vivre avec des animaux!' Alors, elle vivait dans une ferme avec une trentaine de chiens, c'qu'on pourrait appeler une meute… je pense que le mot n'est pas trop fort… c'est à partir de vingt-cinq une meute, donc là, on a déjà affaire à une bonne meute, hein! Plus les poules, les lapins, les, les, les… canards, la… la vraie ferme, quoi! De toute façon, avec les animaux, comment vous dire, les animaux, ça existe dans sa vie, mais… très fort! Elle m'appelle l'autre jour… des années qu'on s'était parlées… Elle me dit, Roxane, ça y est, j'ai pris la décision, j'me suis réinstallée à Paris… je vais essayer… plus d'chiens, plus d'poules, plus d'lapins, adieu veaux, vaches…Viens! On prendra l'apéritif! C'était la semaine dernière… J'y suis allée prendre l'apéritif. Vous savez c'que ça veut dire ‘mémorable'?… Bon! Eh ben, là… Mémorable! J'arrive chez elle, ‘Bonjour, Françoise', ‘Bonjour, Roxane', ‘Ça va?', ‘Ça va', on discute, contentes, on visite, pata, nanana… elle me sert l'apéritif! Oh non, ce n'est pas possible, c'que j'ai vécu, c'est pas possible! J'vais pour m'asseoir sur l'canapé, elle se met à m'gueuler: ‘Roxane! Tu veux ta ta-tape, enlève tes pieds de d'ssus l'canapé!' Qu'est-ce que vous voulez dire à un truc pareil? Qu'est-ce que vous voulez dire à un truc pareil??? Alors, moi, j'lui réponds: Mais enfin, Françoise, je.. je.. je n'pensais pas mettre les… les pieds-pieds sur l'canapé…' J'me suis dit, on va en rester là… Elle m'a quand même collée une alèse!… ...Partait bien l'apéritif! Bon, alors, l'apéritif, tout ça… j'demande des olives... Bon… elle part dans la cuisine, elle revient, elle me sort: ‘ C'est pour qui, les belles olives??' Alors moi, concentrée quand même hein!, j'lui réponds: ‘Mais… c'est pour moi, Françoise!' Qu'est-ce que vous voulez qu'j'lui dise? Alors, vous m'croirez si vous voulez, elle m'a balancé les olives par terre… ‘Petits, petits, petits, petits…' Ouais! ‘petits, petits, petits…', ben j'peux vous dire que ça m'a pas déconcentrée… mais ça m'a déconcertée, hein! J'ai ramassé mes olives, je n'ai pas pipé! Et là…alors là, j'me suis rappelée les poules, les lapins… la, la meute! … commencé à l'observer, la Françoise … J'lui trouvé un p'tit cadeau! Oui, dernièrement, j'suis allée dans les Pyrénées… oui, d'accord… alors, j'lui ai acheté une bricole… j'me demande bien à quoi ça peut servir: c'est un stylo qui siffle quand on l'trempe dans l'café! Spécialité du coin, il paraît, hein! Bon, alors, je lui tends le paquet, normalement.. elle l'ouvre, elle sort le stylo… Et là rien! Mais rien! Pas un mot! Alors moi, j'étais en carafe, un p'tit peu, hein! Après c'qui s'était passé, j'me demandais c'que j'allais voir… J'ai vu! Elle était déjà bien allumée la Françoise , mais là, elle est carrément chauffée, hein! Le stylo, elle s'est mise à le renifler.. (snif, snif, snif, snif)… oui, oui! Et elle avait l'air d'être contente, moi du coup, j'me suis dit, j'ai tapé juste avec mon stylo, c'est toujours ça, et là, j'l'ai r'trouvée par terre, la Françoise ! C'est qu'ça fait drôle! Alors j'lui dis: ‘Françoise! T'es contente, alors?' C'est vrai, j'la voyais qui tournait dans l' salon… Elle avait l'air… J'me suis dit, elle va m'pisser d'ssus… D'un coup, j'me retourne, j'la vois qui commence à gratter les pieds du fauteuil.. ‘ Y'a quelqu'un???' Ah oui, moi, je d'mande du s'cours dans ces cas-là! Oh c'est qu'j'en menais pas large! Et finalement, j'ai compris… et ça tenait, son truc: elle cherchait un pot de fleurs! Ça a été vite vu, elle en a r'péré un, elle s'est mise à gratter l'terreau… crac, crac, elle a posé l'stylo, elle a r'bouché, et elle m'a dit: ‘Là, au moins, j'suis sure que personne viendra me l'chercher!' Oui, c'est sûr, c'est sûr! Moi, j'me suis dit, ce n'est pas demain la veille qu'il va siffler mon… stylo! A mon avis, elle est pétée, la Françoise ! Hein? Bon, là, elle a pris un sacré pet, là, quand même! Ou alors c'est moi?… Non! C'est pas moi, c'est pas moi.. j'lui demande une cigarette, elle me la lance, elle me dit: ‘Va chercher!' Alors là, ce n'est pas moi?!? Bon, moi j'ai mes défauts, c'est vrai, je suis pas toujours facile mais enfin quand même, quand on lance une cigarette, c'est que… ça va pas bien! En plus, ‘va chercher!', nan, mais…comme si je n'avais pas vu qu'elle l'avait mise dans son dos, en plus! J'allais vous oublier le pompon! Elle aussi, elle m'avait fait un cadeau. Mais une fois, je l'avais trouvée très insistante sur l'un d' mes colliers, oui, j'avais un magnifique collier en… en perles de culture… Eh bien, elle m'a acheté un barillet pour accrocher, avec mon nom, mon adresse, une récompense pour c'lui qui m'retrouve! Elle n'est pas choucarde, celle-là? Et attention, rouge, le barillet! Avec les perles de cultures, c'est vrai, ça va bien avec! Là, j'pense qu'elle n'est plus dans la réalité, hein! Elle me dit: ‘On sait jamais, si tu te perds!' Si j'me perds, oui! Si j'me perds, si j'me perds… d'habitude, j'demande mon ch'min! J'me perds, j'ai pas tell'ment besoin d'un barillet pour qu'on m'retrouve, hein! Bon, alors, après l'coup du barillet, j'vous termine quand même, hein - mémorable, j'vous l'avais dit! – après l'coup du barillet, j'pensais qu'ja'vais vu tout l'spectacle, hein, j'allais me boire un p'tit café, m'rentrer chez moi… alors la femme de ménage, tout c'qu'il y a de plus normal, m'apporte le café, dans une tasse! Bizarrement, oui! Là où j'en étais, j'étais prête à m'le lapper dans une écuelle! Une tasse, une tasse, parfait! Elle part… De dos, qu'est-ce que je vois? Je crois que c'est ce qui m'as le plus choquée, elle avait un collier anti-puces! Là, j'en ai tombé mon café… dans la plante… la plante s'est foutue à siffler! Oui, j'peux vous dire qu'une plante qui siffle, sur l'coup, ça fait drôle! Eh oui, moi j'l'avais oublié le coup du stylo, les Pyrénées et le bazar-là tiens! Enfin bon, la plante qui sifflait, la bonne, … le tout réuni, je m'suis dit, j'rentre chez moi, vite, j'prends la tangente, une fois à la porte, j'allais dire au revoir... À cette pauvre Françoise, et alors, qu'est-ce qui s'est passé dans ma tête? Je me suis entendue lui dire: ‘Françoise, au point où on en est, tu veux pas que j'te promène ta bonne?' Je ne sais pas, vous voyez, c'est marrant, hein? Je sais pas… Ben oui… dans l'ambiance, hein… le tout réuni, moi je suis sure que vous auriez fait pareil, moi j'étais grisée, allez, va pour une ballade avec la bonne… alors, j'ai sorti la laisse, L'autre… elle m'a fait une fête comme si elle m'avait pas vue depuis quinze ans! On a été faire notre petite virée, et ça s'est bien passé… on a bien fait parce que cinq minutes de plus et j'pense qu'elle nous faisait sur la moquette, et… j'ai r'monté la bête, la bonne! Enfin, j'ai r'monté l'tout! Et je suis rentrée chez moi, bien contente. J'm'en taperais pas tous les jours des comme ça, hein! Elle me dit, la Françoise , elle me dit: ‘Maintenant… on va se revoir?!' ‘ M..oui, oui,oui!' C'est sûr, je n'ai pas épilogué, hein! Sur l'palier, nan mais, eh, j'l'entendais qui grattait à la porte… Ça m'a fait d'la peine, vous voulez qu'j'vous dise… Finalement, ça m'a fait d'la peine! Ah non, j'ai besoin d'me changer les idées, mais enfin bon, ça tombe bien, ce soir, j'vais voir Bernard. Alors, Bernard, ça n'a rien à voir, c'est un ami de longue date, oh, j'l'aime beaucoup Bernard, il est… charmant! Et euh… il va être très content de me voir, c'est un garçon qui avait un.. Hum…un métier, c'était toute sa vie, et puis il s'est r'trouvé à la r'traite… IL était empailleur… J'vais p't'ête décommander…
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