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LE PERMIS DE CONDUIRE Jean Yanne
Une voiture auto-école. Un examinateur attend en consultant ses fiches.

EXAMINATEUR : Examinateur, ce n’est pas un métier. Tous les candidats veulent avoir leur permis, ils ne se donnent même pas la peine d’apprendre le code de la route. Enfin, avec moi, pas question de passe-droit.  (Il crie : ) Premier candidat !

Un homme assez efféminé monte dans la voiture.

EXAMINATEUR : Dépêchons-nous. Bonjour, monsieur, asseyez-vous.
JEUNE HOMME : Bonjour, monsieur.
EXAMINATEUR : Bonjour, asseyez-vous, monsieur, vous vous trouvez sur une route à grande circulation, vous croisez une route départementale dont la largeur est double de celle d’un chemin vicinal qui la prolonge au sud-ouest d’une ligne médiane tracée par le bas-côté d’une route secondaire parallèle à celle que vous veney d’éviter en empruntant le trajet inverse de celui inscrit sur un panneau indicateur placé derrière vous, il pleut, votre essuie-glace tombe en panne, que faites-vous ?
JEUNE HOMME :  Vous me parlez avec une brutalité….
EXAMINATEUR :   Monsieur, je vous ai posé une question précise, je vous prie de répondre !
JEUNE HOMME : Non ! Vous m’avez psychiquement traumatisé. Je suis complètement retourné maintenant.
EXAMINATEUR :  Oui, bien pour l’instant, vous allez retourner chez vous, si vous ne savez pas. Recalé ! Poussez votre genou.
JEUNE HOMME :  Sadique, va !

Le jeune homme sort de la voiture.

EXAMINATEUR :  Candidat suivant. Candidat suivant…Suivant… !

On entend une voix dans le lointain.

CANDIDAT  Ah, une seconde ! Y a pas le feu, non ?

Un candidat arrive. C’est une énorme brute. Il s’installe dans la voiture, et prend toute la place.
EXAMINATEUR : Il y a d’autres candidats, monsieur, dépêchez-vous, je vous en prie…
CANDIDAT :  Une seconde, on vous dit, quoi ! On a le temps de prendre un petit remontant avant l’examen, non !
EXAMINATEUR :Bien sûr, mais …
CANDIDAT :Faut pas pousser quand même !

Le candidat regarde l’examinateur, l’air mauvais.

CANDIDAT Va falloir en rabattre, avec moi, parce que …Il faut pas jouer avec l’homme !
EXAMINATEUR :Asseyez-vous, prenez vos aises ! Je vous demande pardon, vous êtes bien installé ?
CANDIDAT : Ça va, oui, ça va, sauf les genoux ça me gêne un peu les genoux, là.
EXAMINATEUR : C’est une petite voiture
CANDIDAT :  Ben oui, puis j’ai des gros genoux, alors ça me gène les genoux, quoi.
EXAMINATEUR : Oui, c’est ça, la prochaine fois, on prendra un  autocar.
CANDIDAT : Ben y a intérêt, parce que je changerai pas mes genoux.
EXAMINATEUR :  Bon. Monsieur, première question : Vous montez dans votre voiture, celle-ci ne veut pas démarrer, que faites-vous ?
CANDIDAT : Est-ce que je sais, moi !
EXAMINATEUR : Vous feriez bien de la savoir ! Vous montez dans votre voiture, elle ne démarre pas, qu’est ce que vous faites ?
CANDIDAT :  Euh…Redites-moi ça, un peu…pour voir ?
EXAMINATEUR :  Vous êtes un peu dur d’oreille, vous tournez la clé, rien ne se passe, qu’est ce que vous faites ?
CANDIDAT :  Eh ben je descends.
EXAMINATEUR :  Les fusibles, vous vérifiez…
CANDIDAT :  Non, je descends, et je file un grand coup de pompe dans cette saloperie de bagnole. Après je prends ma clé à molette, j’ouvre le capot et je casse le moteur en mille morceaux. Je frappe, je cogne parce que je suis pas du genre à me laisser emmerder par un tas de ferraille… Et puis pas par autre chose non plus, d’ailleurs… suis-je assez clair ?
EXAMINATEUR : Bon, autre chose, monsieur.
CANDIDAT : Oui…
EXAMINATEUR :  A présent vous arrivez à un carrefour.
CANDIDAT : Oui.
EXAMINATEUR :  Un agent de la force publique vous fait signe de vous arrêter…
CANDIDAT : Oui…
EXAMINATEUR : Qu’est ce que vous faites ?
CANDIDAT : Je passe ! Et puis je me débrouille pour l’attraper avec mon aile gauche et j’y roule sur le buffet, et au passage, j’ouvre ma portière et j’y balance un bon coup de latte dans la gueule, par la même occasion. Parce que c’est pas un flic qui va faire la loi, non ! Prenez pas tout le siège.
EXAMINATEUR : Bon, maintenant, vous êtes sur une route départementale…
CANDIDAT : Ah, ça m’étonnerait, alors !
EXAMINATEUR : Qu’est ce que vous dites ?
CANDIDAT : Je dis ça m’étonnerait…que je sois sur une route départementale. J’y vais jamais sur les routes départementales, c’est plein de boue, et ça sent mauvais.
EXAMINATEUR : Oui, j’entends bien, monsieur, mais c’est une supposition, vous êtes sur une route départementale…
CANDIDAT : Non, je suis pas sur une route départementale, je viens de vous dire que j’y mettais jamais les pieds sur les routes départementales ? J’aime pas ça, les routes départementales. Je hais les routes départementales. Les routes départementales, rien que de m’en causer, ça me donne envie d’envoyer des mandales dans la tronche à tout ce qui remue.
EXAMINATEUR : Mais…Mais en admettant…
CANDIDAT : AAAh…Je vais me le farcir ! Ah, je vais être obligé de me le farcir, le petit asticot !
EXAMINATEUR : Mais enfin, monsieur…
CANDIDAT : Vous commencez à m’énerver avec vos questions…. Est-ce que je vous en pose des questions, moi ?
EXAMINATEUR : Non, mais…
CANDIDAT : Est-ce que je vous en pose ?
EXAMINATEUR : Absolument pas.
CANDIDAT : Est-ce que je vous demande qu’est ce que vous faites si il se passe ceci, qu’est ce que vous faites si il se passe cela ?
EXAMINATEUR : Pas du tout …
CANDIDAT : Est-ce que je vous oblige à aller sur une route départementale moi ?
EXAMINATEUR : Qu’est ce que j’irais y faire !
CANDIDAT : Est-ce que je vous demande pourquoi vous avez cette tête d’abruti, et pourquoi ça fait un bruit d’évier quand je la remue ? Hein ! La seule chose que je vous demande, c’est si vous me le donnez mon permis, oui ou non ?

L’examinateur terrorisé lui tend la feuille

CANDIDAT : Ah ! La ! La !... Qu’est ce qu’on peut perdre comme temps en formalités !
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